L'œil butte et trébuche sur les îlots d'immensité qui traversent les estampes de Virginie Cornet. Car sur la surface crue du papier, sur l'étendue blanche qui s'étire comme un ciel en attente, surgissent des mondes luxuriants nichés dans un repli de l'espace.
Ces îlots sont une dîme prélevée au réel. Identification, extraction, transfert, recomposition, préservation : autant d'opérations sont nécessaires à l'avènement de ces mondes habités d'une vie microscopique et foisonnante.
Avec la catastrophe écologique qui se profile, peut-être s'agit-il pour l'artiste de bâtir une arche de Noé de poche, d'esquisser un lieu où seraient conservés pêle-mêle l'infiniment grand et l'infiniment petit. Le cosmique, la topographie et le monde cellulaire s'y fondent et s'y confondent. Il y a sûrement, parmi ces bribes de vivant et ces fragments de réel, le matériau nécessaire pour reconstruire la vie en voie de disparition.
Dans ses estampes, Virginie brasse la matière du monde, faisant fi des proportions et des ordres de grandeur. Elle re-compose à partir du vivant, du vide, et de l'absent. Elle rappelle à nos consciences amnésiques les topographies foisonnantes du grand et du petit. Elle esquisse un premier pas pour nous permettre de repenser notre rapport au vivant et à la nature dont nous ne sommes qu'une manifestation.
C'est cette relation, vécue et implicite, qui semble frémir sur le papier. Par son choix de techniques, Virginie Cornet sort de la plaque et ajoute une opération à l'impression : certains îlots sont drapés de chine collé. Un habillage subtil qui voile les surfaces, et dont l'évanescence nous renvoie au mystère dont la vie est drapée.
Judith Adler De Oliveira
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